Le chant de la pluie citadine déversant gouttelettes et particules fines. L’écho d’un chant d’oiseaux emmitouflé de nuages. Obscurité lumineuse des réveille-matins citadins. Les étoiles se sont fait la malle. La Lune n’en parlons pas. La poésie a insisté à la porte-fenêtre. J’ai ouvert grand. Les chats se sont faufilés. La poésie a chuchoté. J’ai écouté ce qu’elle avait à me dire. Patiemment. Et puis elle. S’est engouffrée. Escortée de. Mille papillons dorés. Promesse d’une belle journée pluvieuse.
le poème s’invite
au fil des mots
au fil de l’eau
Dans ces pages, il y a une totalité faite de sons, d’images, et de mots. Le philosophe Hermann Schmitz, dans Les sentiments comme atmosphères, écrit “Les sentiments sont des atmosphères qui se répandent dans l’espace et des pouvoirs qui saisissent charnellement”. C’est parce qu’on peut ressentir très fort l’atmosphère de ce que vit l’autrice, qu’alors, comme elle l’écrit au 23 avril 2023, et puisque j’écris ces mots ce même jour mais un an plus tard, “quelque chose d’indicible nous embarque”. Hortense Raynal, le 23 avril 2024 (préface)
EXTRAIT
Jeudi 6 juillet 2023.
La Lune joue avec les masses nuageuses. La poésie manque. Les martinets sortent en bandes. Il se joue quelque chose dans le ciel ce. Matin calme avant. J’aimerais lui écrire. J’aimerais qu’on se parle. J’aimerais. J’aimerai. Encore.
Un beau matin d’hiver, l’histoire d’amour n’en finissait pas d’en finir. Mais avait-elle un jour réellement commencé ? Quand les poissons ont soif d’amour Ils remontent les rivières en pleurant
UNE RIVIÈRE, poèmélancoliquide, est une histoire d’amour et de larmes qui se remonte à contre-courant. Poème obstiné qui n’en finit pas de dire je t’aime. Les textes ici rassemblés, dialogues fantômes avec l’invisible, l’absent, le lointain, ont été écrits et sauvés pour tenter de dire l’existence du sentiment amoureux et pour le maintenir en vie. Parce que la poésie, cet espace de liberté absolue, encre nos désirs.
poulpieuvre interroge perplexe mondes convexes mots complexes fil du texte et inverse traverse mondes mystères vents contraires sans frontières lampyridcoléoptère
Un jour, Poulpe m’a souhaité « bon anniversaire!». Je connaissais déjà une grande partie de sa famille ; une amie commune Emmanuelle Sarrouy nous avait, d’une certaine façon, présentés. Poulpe, que je connaissais donc par diverses occasions, parlait du petit matin, du soir venu, de l’amour, de la mort, de la naissance, sans doute de quelques musiques et de multiples autres choses dont les fleurs, les pleurs, les rires…
Poulpe était un sociologue, un ethnologue, un passant du coin de la rue, un chroniqueur des jours heureux.
Jusqu’alors Poulpe, pour moi, n’était pas un nom propre, pas le nom de cette innombrable famille. Non, c’était le nom bien commun de la bestiole, synonyme de pieuvre, que préparait ma belle-mère dans sa casserole avant qu’elle n’atterrisse dans mon assiette en salade, en magnifique salade, l’Insalate di polpo !
Je vous prie de m’excuser Poulpe, Madame Poulpe, Monsieur Poulpe, Enfant Poulpe ; je vous prie de m’excuser et tire mon chapeau à notre grande amie commune, Emmanuelle, qui me permet par ces propos des plus sérieux, des plus légers, de vous rendre hommage.
poulpieuvre interroge perplexe mondes convexes mots complexes fil du texte et inverse traverse mondes mystères vents contraires sans frontières lampyridcoléoptère
Un jour, Poulpe m’a souhaité « bon anniversaire!». Je connaissais déjà une grande partie de sa famille ; une amie commune Emmanuelle Sarrouy nous avait, d’une certaine façon, présentés. Poulpe, que je connaissais donc par diverses occasions, parlait du petit matin, du soir venu, de l’amour, de la mort, de la naissance, sans doute de quelques musiques et de multiples autres choses dont les fleurs, les pleurs, les rires…
Poulpe était un sociologue, un ethnologue, un passant du coin de la rue, un chroniqueur des jours heureux.
Jusqu’alors Poulpe, pour moi, n’était pas un nom propre, pas le nom de cette innombrable famille. Non, c’était le nom bien commun de la bestiole, synonyme de pieuvre, que préparait ma belle-mère dans sa casserole avant qu’elle n’atterrisse dans mon assiette en salade, en magnifique salade, l’Insalate di polpo !
Je vous prie de m’excuser Poulpe, Madame Poulpe, Monsieur Poulpe, Enfant Poulpe ; je vous prie de m’excuser et tire mon chapeau à notre grande amie commune, Emmanuelle, qui me permet par ces propos des plus sérieux, des plus légers, de vous rendre hommage.
[…] Réminiscences. Souvenirs éclats fragments ressurgissent des pages re/visitées. Je range quelques catalogues et magazines sauvés du passé. Des événements vécus refont aussitôt surface. Arrimés à la mémoire profonde. C’est tout à fait étonnant cette faculté qu’a notre mémoire à se cacher dans les pages conservées. À l’abri du vent et du soleil. Du froid et de la pluie… On croit oublier. Et puis un jour on ouvre un livre un magazine une boîte un tiroir… Et c’est là. Intact. Dans les mouvements de l’air.
Un journal de bord est d’abord une affaire de respiration. Dans cet exercice, il ne s’agit pas de s’abstraire du tumulte pour faire œuvre d’installation, mais de procéder à des va-et-vient entre le rythme du quotidien et la mise en écriture des instants. Le geste a ceci de précieux pour le lecteur qu’il le conduit à suivre un cheminement fait de notations, de sensations, de pensées qui sont nées dans un calendrier librement traversé. « La poésie est de la vie interprétée », écrivait jadis Joe Bousquet. […]
La vie, chaplinesque parfois, se faufile partout dans les interstices. Le maître mot est celui de synchronicité, chère à Carl Gustav Jung.
On est au cœur de la quête hybride revendiquée par la poétesse comme une seconde nature de vivre. Quelque chose de trépidant, de gourmand, de sensible, avec le désir chevillé à la plume de graver des instants qui l’ont arrêtée, le temps d’une inscription, pour mieux faire corps avec le mouvement du monde. […]
Suivre ce journal de bord est une leçon de vie intense. Avec ses sautes de forme, ses lâchages, ses vaillances, ses jubilations. Au jeudi 17 mars, on lit : « Vous reprendrez bien un peu du poil de la bête ?! »
Emmanuelle Sarrouy n’en a pas fini de nous apprendre à jeter à la mer, à temps et à contretemps, des bateaux-poèmes facétieux et aimants. De nous embarquer, pour notre grand plaisir, dans son Ciel étoilé d’étourneaux entêtés.
[…] Réminiscences. Souvenirs éclats fragments ressurgissent des pages re/visitées. Je range quelques catalogues et magazines sauvés du passé. Des événements vécus refont aussitôt surface. Arrimés à la mémoire profonde. C’est tout à fait étonnant cette faculté qu’a notre mémoire à se cacher dans les pages conservées. À l’abri du vent et du soleil. Du froid et de la pluie… On croit oublier. Et puis un jour on ouvre un livre un magazine une boîte un tiroir… Et c’est là. Intact. Dans les mouvements de l’air.
au diapason
des couleurs de l’automne
et la route
(au ralenti ?) […]
EXTRAIT
Mercredi 23 novembre 2022 –
Venim del Nord, venim del Sud de Lluis Llach. Un chant pour nous accompagner dans nos traversées terrestres… Et plus si affinités !
Que fait mon désir d’écrire ?
Je trie/range/écris. Je reçois ma dernière commande passée chez Jacques. Et puis. Prépare une délicieuse salade de riz avec cébette maïs jambon œuf dur. Sans oublier l’indispensable huile d’olive sans laquelle rien n’est possible. J’accompagne ma fille à l’équitation et sur le retour achète des prises multiples et rallonges pour la prochaine visite chez ma petite tante Jeannine. Il y a un choix important de convecteurs électriques. Signe que l’on approche à grands pas de la saison froide malgré le fameux réchauffement climatique. Il faut agir. Et vite. Le rendez-vous avec l’électricien ne sera que dans une semaine. Il ne faut pas que Jeannine ait froid. Nous irons y faire un saut demain.
Jean-Paul va rendre visite à sa maman.
Dans la journée, j’ai cette sensation floue et étrange d’avoir envie de revenir quelques années en arrière. Ce n’est pas de moi mais. Comme une nostalgie des années de jeunesse et des années où les enfants étaient petits. Oui le temps file. Oui notre perception du temps s’accélère. Et pourtant. Le temps est toujours le même. Identique. C’est nous qui filons… Je suis en voiture. Ces réflexions me font penser au film Back to the Future que j’avais étudié en détail avec mon ami Pâris Harnais à la fac de cinéma. Que j’adore d’ailleurs toujours revoir – le film et Pâris également. Avec cette inoubliable séquence de voyage temporel décortiquée plan par plan. Et la DeLorean !
Wilko Johnson est mort le 21 novembre. 75 ans. Paisiblement. Westcliff-on-Sea. Je l’apprends aujourd’hui. Il était le guitariste de Dr Feelgood et ami de Roger Daltrey. Ce que l’on retient. Entre autres choses. Ce que l’on construit à coup de fragments recyclés et nappes embrumées. Pour nos propres histoires de vies. Je revois le clip que j’aime beaucoup où ils sont en duo. Going back home. Je pense aussi à Jonas Mekas. Home.
Un journal de bord est d’abord une affaire de respiration. Dans cet exercice, il ne s’agit pas de s’abstraire du tumulte pour faire œuvre d’installation, mais de procéder à des va-et-vient entre le rythme du quotidien et la mise en écriture des instants. Le geste a ceci de précieux pour le lecteur qu’il le conduit à suivre un cheminement fait de notations, de sensations, de pensées qui sont nées dans un calendrier librement traversé. « La poésie est de la vie interprétée », écrivait jadis Joe Bousquet. […]
La vie, chaplinesque parfois, se faufile partout dans les interstices. Le maître mot est celui de synchronicité, chère à Carl Gustav Jung.
On est au cœur de la quête hybride revendiquée par la poétesse comme une seconde nature de vivre. Quelque chose de trépidant, de gourmand, de sensible, avec le désir chevillé à la plume de graver des instants qui l’ont arrêtée, le temps d’une inscription, pour mieux faire corps avec le mouvement du monde. […]
Suivre ce journal de bord est une leçon de vie intense. Avec ses sautes de forme, ses lâchages, ses vaillances, ses jubilations. Au jeudi 17 mars, on lit : « Vous reprendrez bien un peu du poil de la bête ?! »
Emmanuelle Sarrouy n’en a pas fini de nous apprendre à jeter à la mer, à temps et à contretemps, des bateaux-poèmes facétieux et aimants. De nous embarquer, pour notre grand plaisir, dans son Ciel étoilé d’étourneaux entêtés.
« Entre eux et autour d’eux Étincelles de bonheur Comme la rosée du matin Furtives et éphémères »
« Ce texte est né d’une liberté absolue d’amour et de désir. Poème rebelle,inaliénable, l’amour fou -car il est toujours fou l’amour- brandi comme flambeau dans l’obscurité des jours actuels. Emportement des sens en énergie de vie qui s’invente et se réinvente à l’infini. Passage vers la lumière, ivresse des jours naissants. Il s’agit alors d’étreindre le monde, le prendre à bras-le-corps, lui faire l’amour, et pousser avec lui comme poussent les fleurs sauvages. » Emmanuelle Sarrouy
EXTRAIT
La lune et les étoiles Pour bercer leurs rêves Toujours (plus fort)
Un peu plus tard parce qu’il aime la musique des poètes amoureux il dit : Je rêve que je dors
Parce qu’elle aime se promener dans les rêves amoureux elle lui répond : Je suis dans ma grotte comme Dans ton rêve
Parce qu’écrire et rêver est peut-être la même chose Parce que les grottes et les hôtels sont leurs refuges d’écrivains amoureux Parce que les hôtels et les grottes sont des passages secrets Vers ces galaxies insoupçonnées/merveilleuses Qu’ils ont bien l’intention d’explorer
L’idée naît de la phrase comme le rêve dévie selon les poses d’un dormeur qui se retourne (c’est Cocteau qui cette fois s’était invité)
Elle lui parle du Potomak de Cocteau Il lui apprend que le Potomac est un fleuve Qu’avait un jour aimé traverser Kerouac Avant de rentrer sur Lowell Sa ville natale
Et voilà que Cocteau rencontre Kerouac Sur les bords du Potoma/c/k
Une lettre les sépare Un fleuve les relie L’écriture les emporte En phonétique ils se retrouvent Comme un rendez-vous depuis longtemps pris
Comme quoi Le Potoma/c/k Ça crée des liens (un fluide magique ?/une rivière électrique ?)
C’était arrivé comme ça Comme une évidence À la frontière des idées révélées
C’était un peu leur rivière Leur lieu de rendez-vous Leur croisée des chemins
Il y a dix ans, le 12 janvier 2010, un puissant séisme dévastait Port-au-Prince (Haïti) et faisait disparaître les premiers enfants (Nashka et Yves-Nelson) que nous étions en train d’adopter… Ce séisme nous rapprochait également paradoxalement de nos enfants (Medjina et Joëlsonne), que nous sommes allés chercher le 23 décembre de la même année… Ce séisme dévastatueurconsolidait étrangement nos liens avec cet immense petit pays qui peine à se reconstruire…
Dans les jours qui ont suivi, je me suis aussitôt
lancée dans l’écriture de ce texte…
Haïti, 12 janvier 2010. Écrire depuis le tremblement de terre, comme une évidence. La rencontre avec un pays, un peuple, une histoire. Collisions. Au travers de l’aventure tumultueuse et merveilleuse de l’adoption. Ayiti chérie. Un chant s’élève. Au-delà des frontières. Parce que nos enfants sont tombés et qu’il va falloir ensemble se relever. Pour raconter l’histoire. Notre histoire.
Publié en 2011 aux Éditions Thélès (avec la collaboration du Conseil Général 13) Séisme(s) est réédité chez L’atinoir Éditions, en 2019 :
Le livre parle de l’expérience du séisme, vécu
dans l’éloignement des enfants que l’on vient de rencontrer quelques mois
auparavant. Si loin si proches.
C’est également une histoire de rencontre, une histoire d’amour avec un pays, un peuple, et des enfants formidables. Cette puissante histoire d’amour que nous, parents adoptants, vivons avec ce pays. Exacerbée depuis le 12 janvier 2010.
Haïti, le pays de naissance de nos enfants, et
notre pays d’adoption.
C’est ensuite un témoignage sur l’aventure de l’adoption, ce long parcours semé d’embûches plus ou moins prévisibles…
Préface de Rodney Saint-Éloi :
« Le
livre Séisme(s) a une histoire particulière. Il prend
son sens dans une double relation : le deuil d’une mère ayant perdu ses
enfants, Yves Nelson et Naschka, au cours du séisme. Et la relation d’Haïti au monde.
Car la mère qui pleure ses enfants est d’une autre terre. D’une autre culture.
Mais son cri dépasse les frontières géographiques et raciales pour faire écho
jusqu’à nous.
Quel bonheur d’occasion que ce livre qui raconte avec élégance une mère qui espère prendre dans ses bras ses enfants, qui les a perdus et qui les a retrouvés, car Emmanuelle Sarrouy-Noguès a refusé la fatalité et a opté pour la vie en rencontrant deux autres enfants Joëlsonne et Medjina qu’elle borde les soirs de pleine lune en leur chantant une berceuse haïtienne : dodo titit, dodo titit. Les premiers enfants ne sont plus, mais la berceuse nous rappelle que la vie est toujours un chant merveilleux. Cette berceuse, je l’entends encore. Elle me fait rêver à un pays beau, avec des enfants qui grandissent comme le maïs, et qui rient comme la mer quand elle est folle, la mer. C’est Mahmoud Darwish qui nous le dit :
« Quels que soient nos différends nous saurons Que le bonheur est possible tel un séisme. »